Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, des technologiques de captage se développent. Le pays scandinave lance le projet Northern Light, un terminal qui réceptionnera le CO2 envoyé par les industriels européens.
Près de Bergen, au milieu des fjords de la mer du Nord, le projet Northern Light sort de terre. C’est encore en chantier. Les pelleteuses et les ouvriers s’activent. Ils construisent un terminal pour réceptionner le CO2 envoyé par les industriels européens. « Le bateau va décharger son CO2 sous forme liquide. Il a la même forme que l’eau, est inodore et n’a pas de couleur, détaille Cristel Lambtone, la directrice technique du projet. Le CO2 va être transporté sur un système de ‘piping’, donc de tuyaux, jusqu’à nos systèmes de stockage temporaire. »
Une fois dans les citernes, le CO2 – toujours sous forme liquide – est envoyé dans un pipeline qui part sous la mer, à une centaine de kilomètres de la côte. Le produit est finalement injecté dans des puits, dans les profondeurs de la mer du Nord. « Ces puits sont des structures sous-marines ancrées dans le fond de la mer. Le CO2 rentre verticalement dans notre réservoir, qui est à 2 500 mètres sous la surface de la mer », poursuit la responsable.
Plus de 350 millions de tonnes par an
Le stockage de CO2 consiste à piéger le dioxyde de carbone directement dans les cheminées des usines pour le transformer à l’état liquide, avant de le stocker et de l’enfouir sous terre. Si cette technologie se développe depuis une vingtaine d’années, il y a encore beaucoup de recherches à mener et le GIEC préconise d’aller plus loin. Dans son dernier rapport , le groupe d’experts sur le climat l’assure : le captage et le stockage de CO2 est l’une des solutions qui peuvent être mises en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
La Norvège veut devenir une solution de stockage pour les industries européennes. Son objectif, à terme, est de conserver près de sept millions de tonnes de CO2 par an dans ce réservoir naturel – une quantité infime au regard des volumes émis par l’industrie. « Au nord de l’Europe, si on fait une carte des émissions réelles, il y a plus de 300 usines et industries qui émettent au total plus de 350 millions de tonnes par an », alerte Cristel Lambtone.
Un premier contrat vient d’être signé avec Yara, un producteur d’engrais. L’entreprise prévoit d’envoyer jusqu’à 800 000 tonnes de CO2 par an depuis les Pays-Bas jusqu’au terminal norvégien. La première injection dans le réservoir de Northern Lights est prévue pour 2024.
Risque de greenwashing ?
Le hic : ce projet est porté par des entreprises qui sont elles-mêmes à l’origine d’émissions de CO2. Total, Shell, Equinor… Des poids lourds de l’industrie pétrolière et gazière y participent. Certains opposants dénoncent des méthodes de greenwashing qui détournent l’attention des vraies priorités : réduire les émissions. « Le captage et le stockage du CO2, ce n’est pas LA solution mais c’est une des solutions, qui est extrêmement intéressante pour réduire les émissions quand on n’a pas d’autres alternatives, assure Florence Delprat-Jannaud, experte à l’Institut de recherche sur les énergies (IFPEN). Si on regarde les scénarios de l’Agence internationale de l’énergie, on voit que, en 2035, il faudrait transporter et stocker 80 fois plus de CO2 pour avoir une chance d’atteindre les objectifs de l’ accord de Paris en 2050. »
D’autres technologies sont actuellement développées pour capter le CO2 directement dans l’atmosphère, avec des sortes d’aspirateurs géants. L’objectif est de tenter de capter les émissions très diffuses, comme celles issues de l’agriculture, du transport aérien, voire celles émises il y a plusieurs années. Mais, pour le moment, ce genre de système n’existe qu’à l’état de prototype.