MADRID, 25 mai (CALPA PARIS) –
Le président de Repsol, Antonio Brufau, a averti que l’Europe « ne va pas dans la bonne direction » et risque d’être exclue de la lutte pour l’hégémonie mondiale entre les Etats-Unis et la Chine, qui se sont imposés comme les « deux grandes puissances économiques et industrielles » dans le contexte actuel marqué par la fin de la pandémie de Covid-19 et la crise résultant de la guerre en Ukraine après l’invasion de la Russie.
Dans son discours à l’assemblée générale des actionnaires de la société, M. Brufau a déclaré qu' »il y a un risque que l’Europe soit laissée dans un coin, qu’elle soit un sous-continent occidental d’une composante plus large de l’Europe qui serait l’Eurasie », a-t-il dit, ajoutant que le Vieux Continent pourrait être déplacé à « la périphérie d’un grand noyau économique ».
Ainsi, il a souligné que l’Union européenne a regardé « beaucoup plus la partie sociale, la partie humaine et les besoins de la planète pour décarboniser » en 2050, alors qu’elle a négligé la possibilité pour l’industrie européenne « d’avoir aussi son progrès ».
Pour ce faire, M. Brufau a confronté les deux voies différentes adoptées par l’Europe et les Etats-Unis pour aborder la transition énergétique, parlant de « réindustrialiser l’économie » dans le pays américain avec son Inflation Reduction Act (IRA), qui fournit des incitations et est plus court et plus simple, par opposition à une voie marquée par « ordonner et réglementer le citoyen », plus étendue et complexe, et « sans penser à l’industrie », adoptée par le Vieux Continent.
« L’Europe doit comprendre que la transition énergétique soit sert à renforcer notre système technologique et notre tissu industriel, soit devient une plateforme d’extraction de nos ressources publiques pour accroître les bases technologiques et industrielles d’autres pays », a-t-il déclaré.
APPELLE A DES « STRATEGIES ENERGETIQUES NOUVELLES ET DIFFERENTES » EN EUROPE.
Il a ainsi déclaré que l’Europe devrait, sans renoncer à ses politiques de leadership dans la lutte contre le changement climatique, s’attaquer à des « stratégies énergétiques nouvelles et différentes » qui lui permettent d’avoir « un rôle industriel dans ce contexte mondial », face à une dépendance à l’égard de la Chine et de ses matières premières qui est déjà « brutale et constitue un problème ».
« Par conséquent, les décisions que les politiciens européens prennent aujourd’hui ne seront pas neutres pour l’avenir de l’Europe. Et les décisions que ces politiciens prendront en matière de partenariats public-privé ne seront pas neutres non plus », a-t-il ajouté, mettant en garde contre l’avantage que les Etats-Unis et la Chine ont actuellement dans cette course.
REFUS DE LA NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE.
En ce sens, il a indiqué que le « déni de neutralité technologique » dans la voie empruntée par l’Europe signifie qu’il y a également un déni de toutes les formes de mobilité autres que l’électricité, par exemple les carburants renouvelables ou l’hydrogène.
Le président de Repsol a déclaré que les politiques de décarbonisation ont une vision « très centrée sur l’Europe », la réglementation sur le Vieux Continent étant axée sur l’élimination des émissions.
« Elles sont conçues pour l’Europe, pour le centre-nord du continent, et ne tiennent certainement pas compte des 70 % des citoyens de la planète qui ont besoin de se développer et qui ont d’autres objectifs que la décarbonisation comme priorité ».
Pour cette raison, il a souligné que l’Europe court le risque que son poids industriel soit définitivement transféré vers d’autres parties du monde, comme la Chine ou l’Inde.
« En perdant le tissu industriel, nous perdons la compétitivité de la société européenne. Ce n’est pas un hasard si nous sommes en Europe depuis 15 ou 20 ans sans atteindre l’objectif du poids du PIB industriel par rapport au PIB européen total, qui avait été fixé à 20 %, alors que nous en sommes à 16 % et que ce chiffre est en baisse « , a-t-il averti.
REPSOL, PRÊT À MENER LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE.
En ce qui concerne Repsol, M. Brufau a souligné qu’il s’agit d’une entreprise multi-énergie, « un fournisseur d’hydrocarbures conventionnels, de pétrole, parce que la planète en a besoin », ainsi que de carburants renouvelables à tous les niveaux, de sorte que ce sont les citoyens qui décident ce qu’ils veulent, s’ils veulent de l’électricité, s’ils veulent un carburant renouvelable, s’ils veulent un carburant conventionnel, etc ».
« Il est évident que si la législation nous le permet et que le marché le comprend, nous serons de grands producteurs d’hydrogène, à la fois consommateurs et producteurs, et nous ferons tout cela en nous appuyant sur quelque chose qui est très fort chez nous, à savoir la technologie et la capacité humaine », a-t-il déclaré.
Il a assuré que Repsol mènerait la transition énergétique industrielle et serait une entreprise « très rentable ». « Ce sera une entreprise qui, lorsque ceux qui seront là en 2050 la verront, pourront penser qu’elle a profité de toutes les opportunités que la politique de décarbonisation établie nous a données et de celle qui est à venir », a-t-il déclaré.