Selon une agence de notation, le déficit de la sécurité sociale atteindra 3,2 % d’ici à 2040 si aucune mesure supplémentaire n’est prise
MADRID, 6 sept. (CALPA PARIS) –
L’agence de notation Moody’s estime que le déficit de la sécurité sociale espagnole « augmentera de manière significative » au cours des deux prochaines décennies en l’absence de nouvelles mesures d’ajustement, en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation des dépenses de retraite liée à l’inflation, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur la notation de l’Espagne, actuellement à « Baa1 » avec une perspective stable.
Plus précisément, Moody’s estime que, sans mesures supplémentaires à celles déjà adoptées, le déficit du système de sécurité sociale augmentera à 1,4 % en 2030 et à 3,2 % en 2040, contre 0,5 % en 2022.
En outre, elle prévoit que ce solde négatif ne commencera à se réduire qu’à la fin des années 2040, lorsqu’il atteindra un maximum de 4 % du PIB, dépassant même le déficit prévu pour tous les niveaux de gouvernement en 2024, qui est de 3,2 %.
Moody’s avertit dans un rapport sur le système de retraite espagnol que les changements de politique suite aux réformes de 2011-2013 « intensifient l’impact fiscal » sur la sécurité sociale.
Ainsi, l’agence souligne que les dernières réformes des retraites introduites par le gouvernement de Pedro Sánchez, bien qu’elles comprennent des mesures visant à augmenter les revenus et des incitations à retarder le départ à la retraite, « seront éclipsées » par l’augmentation attendue des dépenses de retraite due à la fois au vieillissement et à la décision de l’exécutif de lier les pensions à l’inflation.
Ainsi, en supposant qu’il n’y ait pas de changement de politique, Moody’s estime que les dépenses de sécurité sociale, y compris les dépenses de retraite et autres, augmenteront pour atteindre environ 15 % du PIB d’ici la fin de cette décennie et 16,8 % en 2040, par rapport à 13,5 % en 2022.
Les recettes de la sécurité sociale, quant à elles, atteindront environ 13,7 % du PIB d’ici la fin de la décennie, contre 13,1 % en 2022, avant de retomber à 13 % à l’expiration des mesures temporaires adoptées par le gouvernement, selon les calculs de Moody’s.
Ces projections supposent que les transferts de l’administration centrale augmenteront en fonction de l’inflation à partir de 2,7 % du PIB en 2022.
« Les recettes pourraient toutefois être inférieures si les nouvelles mesures ont des effets économiques indésirables. Certaines estimations suggèrent que les nouvelles mesures entraîneront une perte permanente de plus de 100 000 emplois. Ceci est particulièrement pertinent pour un pays comme l’Espagne, où le taux de chômage oscille toujours autour de 12 % malgré les améliorations de la dernière décennie », souligne Moody’s.
LA COTE DE CRÉDIT EN PÉRIL
L’agence avertit dans son rapport que, si aucune mesure n’est prise, les retraites exerceront une pression sur le crédit d’ici la fin de la décennie. « Dans des études précédentes, nous avons souligné que l’aggravation des déséquilibres budgétaires due à des mesures d’augmentation du déficit exercerait une pression négative sur la notation (…) La mise en œuvre de nouvelles mesures d’économie pour assurer la viabilité à long terme du système de retraite serait positive pour le crédit », indique l’agence.
Selon Moody’s, les mesures d’augmentation des recettes sont une option, mais elles présentent des limites et des compromis, et les mesures d’économie « peuvent être efficaces et seront probablement mises en œuvre compte tenu de l’ampleur du déficit prévu » pour le système de sécurité sociale.
Selon leurs calculs, toutes les mesures de recettes envisagées dans les réformes 2021-2023 représenteront environ 1 % du PIB à leur apogée.
Selon lui, les réformes structurelles qui renforcent le potentiel de croissance ou le taux d’emploi de l’économie espagnole « auraient probablement un impact important » sur le déficit, même s’il faudra du temps pour qu’elles se concrétisent.
Par exemple, Moody’s note que les réformes structurelles qui portent le PIB réel potentiel à 2 % en 2023-2060 permettraient d’économiser 0,5 point du déficit de la sécurité sociale en 2030, 1,4 point en 2040 et 2,3 points en 2050.
» Le déficit de la Sécurité sociale resterait ainsi aux alentours de 2 % dans les années 2040, et pourrait être ramené à des niveaux plus modestes grâce à d’autres mesures. Cependant, ces mesures prendront du temps à se concrétiser, une période durant laquelle les déficits se creuseront », souligne-t-il.
L’ESPAGNE VIEILLIT À L’UN DES RYTHMES LES PLUS RAPIDES D’EUROPE
Le rapport de Moody’s indique que la population espagnole vieillit « à l’un des rythmes les plus rapides d’Europe ». Le nombre de retraités augmentera considérablement au cours des prochaines décennies, dépassant les 12 millions en 2040 et culminant à 14 millions dans les années 2050, contre 9 millions en 2022.
Étant donné que la population en âge de travailler ne correspondra pas à ce type de croissance, l’Espagne aura l’un des taux de dépendance des personnes âgées les plus élevés de l’Union européenne en 2050, le nombre de personnes en âge de travailler pour chaque personne de plus de 65 ans passant de 3,1 à 1,5, selon le rapport « Vieillissement 2021 » de la Commission européenne.
« La population espagnole en âge de travailler, qui financera en fin de compte les dépenses liées aux retraites, a peu de chances de suivre le rythme de cette croissance, même si les taux élevés actuels de migration nette sont maintenus », note Moody’s.
En effet, le rapport 2021 sur le vieillissement de la Commission européenne prévoit que le taux de dépendance des personnes âgées en Espagne doublera pour atteindre 65 % d’ici 2050, ce qui est supérieur à la moyenne de l’UE qui est de 57 %. Seuls le Portugal, la Grèce et l’Italie auront des ratios plus élevés à cette date.